lundi 10 février 2014

Nouvelle tribune du 10 février 2014 du plus du nouvel obs de Muriel Salmona : Colette, torturée pendant 30 ans par son mari : arrêtons de culpabiliser les victimes

















LE PLUS. "Perte de dents, cécité partielle, mutilation sexuelle..." Voici ce qu'a subi Colette pendant 30 ans. Son mari comparait à compter de ce lundi devant les Assises pour tortures et actes de barbarie. L'avocat du prévenu avance le constat d'une psychologue, effarée du "comportement de consentement de Colette à tout ce qu'elle a subi". Pour Muriel Salmona, psychiatre, c'est abject.






Muriel Salmonapsychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie ,

édité par  Henri Rouillier
Auteur parrainé par Elsa Vigoureux le  10 février  2014



Du 10 au 12 février 2014, la cour d’assises d’Aix en Provence jugera un homme, retraité de l’enseignement, poursuivi pour torture et actes de barbarie commis sur son épouse

Une liste insoutenable de sévices

Colette, victime d’une haine sans nom, est une survivante… Ce n’est qu’en 2002, après deux tentatives de fuites et deux tentatives de suicide, qu’elle est parvenue à s’échapper de l’emprise de son mari au bout de 32 ans de violences physiques et sexuelles extrêmes.

La liste de ces violences est insoutenable et les séquelles et les mutilations qu’elles ont entraînées, reconnues par les experts et la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale [1], sont très graves : "perte de dents, ablation des muscles du bras, cécité de l’œil gauche, mutilation du sexe, atrophie d’une lèvre, déformation nasale".

Colette n’a pu porter plainte qu’en 2009, la prescription fera que seules trois années de tortures seront jugées, et lors du procès – qui démarre ce lundi – nous saurons si les viols conjugaux seront jugés en tant que tels et non uniquement en tant qu’actes de tortures [2].

Encore une fois, c'est la victime que l'on culpabilise

L’AFP rapporte que l’avocat de l’ex-mari de Colette considère qu’il s’agit peut-être "moins du procès de violences conjugales que celui d’une relation sado-masochiste entraînée dans une spirale infernale". Une psychologue – nous dit-il – n’a-t-elle pas indiqué "avoir été effarée par le comportement de consentement de Colette à tout ce qu’elle a subi", en insistant sur "l’attitude passive de l’épouse".

Et voilà poindre un réflexe basique dans une société colonisée par des stéréotypes sexistes : mettre le focus sur la femme victime pour lui demander des comptes et la culpabiliser [document PDF]. Pourquoi est-elle restée pendant 32 ans avec son bourreau avant de fuir, était-elle consentante, masochiste ?

Il s’agit en l’occurrence d’actes criminels aggravés par la qualité de conjoint de l’agresseur et qui tombent sous le coup de la loi quel qu’ait été le comportement de la victime.

Elle ne pouvait pas être consentante


La notion de consentement n’est pas dans la loi, la torture est définie par l’intentionnalité de faire souffrir la victime et de nier sa dignité, la barbarie par la cruauté et la sauvagerie des actes, le viol par la contrainte [3]. Évoquer la notion de consentement dans ce cas est particulièrement insupportable.

D’autre part, s’interroger sur le fait qu’une victime de violences soit restée si longtemps à subir les violences de son conjoint démontre avant tout une singulière méconnaissance des stratégies d’emprise mises en place par l’agresseur, et des conséquences psychotraumatiques de violences aussi extrêmes sur la victime.

Tortures et viols sont à l’origine des pires traumatismes neuro-psychiques, et sont de formidables outils pour soumettre et esclavagiser une personne, et détruire toute volonté et tout espoir en elle.

Pourquoi a-t-on fermé les yeux sur sa situation désespérée ?

Les questions qu’il faudrait plutôt se poser sont : comment cet homme a-t-il réussi en toute impunité à commettre en France de telles violences pendant 32 ans, sans que personne n’intervienne ? Comment Colette a-t-elle "miraculeusement" survécu et réussi à s’enfuir dans ces conditions [4] ? Et comment tous ceux qui ont côtoyé ce couple, tous ces professionnels de santé qui ont "réparé" tant bien que mal toutes les blessures causées par les sévices, ont-ils pu ne rien voir à ce point ?

Pourquoi ont-ils accepté sans broncher toutes les rationalisations les plus improbables, avancées par un mari omniprésent lors des soins, pour expliquer les fractures, les plaies, les mutilations ? En acceptant qu’elle soit sa chose, puisque sa femme…, en considérant que cela ne les regardait pas ?

Les conséquences psychotraumatiques  

Les comportements de la victime, comme cette pseudo passivité de Colette, ne sont pas à interpréter en fonction de sa personnalité mais en fonction des violences extrêmes commises par l’agresseur, de ses menaces, et de ses mises en scène.(…) 

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